Interview Freddy Viau - Théâtre sur Seine - Crédit Photo : Fanny Vambacas
Interview Freddy Viau - Théâtre sur Seine - Crédit Photo : Fanny Vambacas

Mardi 12 mars 2024, j’ai eu le grand plaisir d’interviewer Freddy Viau, auteur, metteur en scène, comédien et cofondateur et metteur en scène du Théâtre des Bonnes Langues et de la Compagnie Parciparla.

Freddy Viau - Crédit Photo : Fanny Vambacas

Freddy a adapté le livre « Un sac de billes » pour le théâtre (voir l’article du blog du vendredi 15 mars 2024).  J’ai fait sa connaissance il y a 4 ans. Je faisais partie de la distribution de la pièce « Les cuisinières » de Goldoni que Freddy a mise en scène dans le cadre du festival de théâtre amateur Scénoblique de l’Aube. 

Freddy Viau

Crédit Photo : Fanny Vambacas

Peux-tu décrire ton parcours professionnel ?

F.V : Il y a eu deux points de rencontre avec le théâtre, le premier c’est quand j’étais à l’internat au lycée, il y a eu une fête des internes et il y avait une petite section théâtre au sein du lycée qui organisait et présentait des sketchs pour la soirée. J’ai une amie qui m’a embarqué (moi je ne faisais pas partie de la section théâtre) et quand j’ai joué le premier sketch avec eux, je me suis senti très vite à l’aise, alors que j’étais dans la vie extrêmement timide. Ça, c’était la première rencontre.

La deuxième, c’est quand je suis parti à la fac, l’année qui a suivi cette fête des internes. J’ai cherché un atelier théâtre sur la ville de Reims. J’étais en Fac de Sciences et j’ai frappé à la porte d’un atelier organisé par Didier Lelong, un metteur en scène professionnel rémois et on a monté une pièce de Molière cette année-là en 1992.

Ça a été les déclenchements de mes envies de théâtre, qui devaient dormir certainement depuis toujours. J’ai un peu ce sentiment-là que c’est quelque chose qui dormait en moi, et qui vient de je ne sais pas où et qui s’est réveillé à ce moment-là.

Et puis après, ça été quelques années d’amateur et d‘amateur vraiment très très engagé. Tout s’est fait à la même période début 1992. Il y a eu une section théâtre qui est née à la M.J.C de Chaource (dont je suis originaire) grâce à la présidente de la M.J.C de l’époque  Karine Pangaud. Ça a été drivé par Angèle Spaolonzi Muller qui était animatrice à la Fédération Départementale des M.J.C, et qui a aidé un peu à lancer la section théâtre. Et très vite, j’ai été très happé par cet atelier. J’ai écrit mon premier sketch pour le premier spectacle et puis dès l’année d’après, j’ai écrit une pièce. On voulait monter une pièce, on lisait plein de pièces mais je trouvais ça assez vieillot ; du coup, je me suis lancé dans l’écriture sur mesure pour les gens de l’atelier. Ma première pièce entière s’appelait « Le Noël Grec » pièce de boulevard. Et puis après, pendant plusieurs années à Chaource, j’écrivais sur mesure, je mettais en scène, et je jouais parfois aussi dans les spectacles.

Vraiment, ça m’a très vite dévoré et embarqué, au point de vouloir en faire mon métier et de décider de partir à Paris pour faire un cours de théâtre pro. Donc j’ai fait un cours de théâtre privé pendant 2 ans avec Alain Knapp qui m’a beaucoup beaucoup appris et avec qui on a travaillé à la fois sur l’acte de jeu, l’acte de mise en scène et l’acte d’écriture qui étaient déjà les trois casquettes qui s’éveillaient en moi dès le départ, de manière un peu spontanée. Alain Knapp a été directeur de l’école du T.N.S, une des trois écoles nationales, c’est quelqu’un qui avait un parcours très important.

Pendant ces deux années-là, j’ai rattrapé l’inculture que j’avais dans le théâtre, parce que moi j’avais un parcours plutôt scientifique et je n’avais pas beaucoup lu. J’ai donc lu, passé beaucoup de scènes et petit à petit, j’ai essayé de récupérer mon retard par rapport à des gens qui avaient vécu à Paris, moi qui venais de la province et qui n’avais pas vu grand-chose, qui ne connaissais pas les metteurs en scène connus, etc… J’ai ensuite bourlingué et créé ma première compagnie, avec des comédiens du cours. Et puis après, une deuxième compagnie. J’ai très vite essayé de reproduire, de manière professionnelle, ce que j’avais initié de manière spontanée, à la M.J.C de Chaource. Ecrire, mettre en scène et après prendre son téléphone pour essayer de jouer ses spectacles un peu partout. Et c’est encore le parcours que j’ai, d’être à l’initiative des projets et de les défendre à tous points de vue aussi bien en production, qu’ en mise en scène, en écriture ou en jeu.

Après, sur le parcours, il y a eu aussi quelques incursions et quelques petits tournages ici et là pour l’image, en cinéma, en télé, en pub mais c’est beaucoup moins fréquent.

Sais-tu comment est né ton désir d’être artiste ?

F.V : Je pense que j’ai toujours eu ça en moi par rapport à ma sensibilité. J’étais un enfant qui était à la fois très timide, discret, sensible voire hypersensible, (mais ça ne se disait pas trop à l’époque ce terme d’hypersensibilité). Ma mère me trouvait toujours très rêveur, moi je n’avais pas le sentiment de rêver particulièrement. Mais c’est vrai que j’avais le goût des histoires assez jeune, histoires qui me sont d’abord arrivées par la télévision. J’habitais en pleine campagne donc j’étais un enfant qui regardait beaucoup la télé, les dessins animées.

Je n’ai pas souvenir de déclencheur. C’est en mettant les pieds sur scène que j’ai eu le sentiment que ma place était là. C’est très étrange cette impression quand ça vous tombe dessus, et ça ne m’a jamais quitté, malgré les périodes de doute ou d’hésitations. La scène est l’endroit où je me suis toujours senti plus libre, alors qu’il y a aussi des contraintes. Je m’y suis sentie en pleine possession de mes moyens.

Tu as plusieurs casquettes : auteur, metteur en scène, comédien. Si tu devais en garder une seule, laquelle choisirais-tu ?

F.V : ça c’est une question très difficile, voire douloureuse. C’est compliqué. Et j’ai eu la chance pendant ma formation d’avoir quelqu’un qui me montre à quel point pour être un bon auteur, il faut aussi être quelqu’un qui a des notions de mise en scène et qui sait un peu ce qu’est le jeu.

Pour être un bon metteur en scène, il faut savoir décrypter un texte et aussi pour diriger les autres, ce qu’est un peu le jeu.

Les 3 activités sont très très imbriquées. Pour être un bon auteur, metteur en scène ou comédien, il faut avoir la notion des autres fonctions, et j’ai eu la chance d’avoir ce prof qui m’a montré les liens qu’il y avait entre ces différentes casquettes. C’est vraiment compliqué, je crois que je n’arriverais pas à choisir.

Je choisirais peut-être la mise en scène par ce goût de porter les autres, et du groupe.

Si j’étais plus égoïste, je choisirais plutôt celui du jeu, c’est vraiment très agréable d’être comédien sur un spectacle, c’est une certaine insouciance.

Et en même temps, être l’inventeur d’un texte et le créateur, ça donne un sentiment de toute puissance et de satisfaction qui est très très fort.

C’est peut-être l’écriture qui est le plus valorisant quand on réussit à faire naître de rien quelque chose, c’est fabuleux.

Quel est ton premier souvenir de spectacle vivant, que ce soit au théâtre ou dans un autre domaine ?

F.V : c’est quelque chose à laquelle je n’avais jamais réfléchi. Du plus loin que je me souvienne, en 1989, il y a eu sur toute l’Aube au bicentenaire de la révolution, un spectacle qui a été fait et qui mobilisait localement différents comédiens qui selon où le spectacle se jouait, rejoignaient le spectacle pour faire certains personnages et ma mère y avait participé, elle était enseignante. Il y avait beaucoup d’enseignants.

Là, j’ai finalement vu le théâtre dans sa pratique. Mon premier souvenir de théâtre, j’ai l’impression qu’il est là. A la fois dans le spectacle que je voyais mais aussi dans l’atmosphère qu’il y avait des coulisses, du plaisir de vivre en groupe, de faire un spectacle ensemble. J’avais 15 ans.

Avant ça, je pense que j’étais allé avec l’école voir un spectacle des Octaves « Un enfant dans les sables ». J’ai le souvenir d’ images fortes.

Quel comédien ou comédienne a été inspirant pour toi ?

F.V : Il y en a eu beaucoup. D’abord au cinéma et ensuite au théâtre. Je maitrisais mieux les références de l’image que les références de la scène. Moi, au cinéma j’ai été bouleversé par le film « Les Nuits Fauves ». Mon rêve était de travailler avec Romane Bohringer. C’est un rêve que je n’ai pas encore concrétisé mais qui peut-être un jour, se réalisera. J’aime beaucoup cette comédienne. Ce film m’a donné envie de créer. Ça m’a beaucoup inspiré.

Après, comme modèle de théâtre, il y a Michel Bouquet, praticien du théâtre, et pédagogue très important. Il a théorisé sa pratique de théâtre. J’ai lu beaucoup d’écrits sur lui et ça m’a beaucoup nourri.

 Il y a des grands comédiens comme Philippe Noiret qui a eu une carrière incroyable, Jean Rochefort et Jean Pierre Marielle.

Tu as adapté pour le théâtre plusieurs livres pour enfants : le Roman de Renart, la chèvre de Monsieur Seguin, etc… ? Pourquoi ne te lances-tu pas dans la création originale d’un spectacle pour enfants ?

Je l’ai fait, j’en ai écrit au tout début deux, que j’ai coécrits avec Isabelle Genlis.

Dans un premier temps, il y avait une question un peu commerciale, c’est toujours plus facile quand on démarre de nulle part d’adapter des œuvres très connues et référencées parce que c’est un argument commercial.

En faisant ça, j’ai compris assez vite que ça ne m’empêchait pas de trouver ma liberté de créativité même en adaptant des oeuvres connues donc je me suis habitué à cette étape de création.

Après, j’ai écrit quelques pièces mais qui n’étaient pas pour les enfants. C’est peut-être aussi un doute de création. Je vénère tellement les grandes écritures ou les écritures fortes et puissantes que j’ai encore beaucoup de complexes à écrire mes propres histoires, il y a un peu de ça.

Tu as adapté pour le théâtre « Un sac de billes » joué actuellement au Théâtre Actuel La Bruyère et en tournée. Tu as eu les félicitations de Joseph Joffo pour l’adaptation. Pourquoi as-tu choisi ce livre ?

James Groguelin – Crédit photo : Nicolas Di Tullio

F.V : Ce livre, ce n’est pas moi qui l’ai choisi. C’est le comédien, James Groguelin qui l’a choisi. Et qui m’a après sollicité, pour l’adapter.

J’ai eu un coup de cœur pour la manière dont c’était écrit, pour l’histoire elle-même, et pour le cadre de l’histoire .

J’ai réussi à projeter ce qu’on pouvait en faire, ce qui n’est pas toujours le cas avec les œuvres. Il y a des œuvres qu’on aime beaucoup, mais on n’arrive pas à trouver d’angle d’attaque.

Très vite, dès l’écriture, j’ai pensé avec James qu’on pouvait en faire un seul-en-scène. C’était un beau défi.

Ça a tout de suite libéré ma créativité. Ma crainte, c’était de tomber dans une adaptation qui soit trop réaliste et trop empreinte de réalité. Le fait que ce soit d’emblée interprété par un seul comédien qui joue tous les personnages, on trouve une théâtralité différente, beaucoup plus originale et intéressante.

Cette forme m’a permis de valoriser le fond.

Tu as tourné dans 2 courts métrages dans le cadre du festival Nikon, aimerais-tu orienter ta carrière vers le cinéma ?

F.V : J’aimerais bien tourner plus. Après, c’est vraiment d’autres réseaux. Je suis assez occupé au quotidien et donc c’est difficile de dégager du temps, pour vraiment mettre de l’énergie dans la prise de contact avec les directeurs de casting, avec des réalisateurs, avec des producteurs d’images. C’est vraiment des mondes un peu différents et à part, mais moi j’adore çà. C’est ma première culture, l’image. Je suis un grand cinéphile, je regarde beaucoup de films, je vais beaucoup au cinéma, je suis très heureux sur un plateau de tournage, c’est quelque chose qui me plaît beaucoup. Je suis très demandeur de collaborations, participations dans des films, courts-métrages ou longs-métrages. Tout reste à faire dans ce domaine.

Quels conseils donnerais-tu à un jeune qui débute dans le métier ?

F.V : C’est d’abord de le questionner sur sa nécessité d’avoir à le faire. 

Et quand on réussit à répondre à cette question, oui ou non, et je souhaite que pour cette personne là ce soit un oui, c’est de savoir à quel point c’est essentiel et vital.

Après, tous les parcours sont à inventer, il n’y a pas de parcours identiques, il y a des gens qui démarrent facilement, d’autres qui démarrent difficilement.

Il faut s’intéresser aux autres, c’est la première des choses, être curieux, voir des films, lire du théâtre, chercher à comprendre comment les choses se construisent, se cultiver et puis après suivre son instinct et ne pas hésiter à initier ses propres projets.

Quand on veut devenir comédien, et uniquement comédien, on attend d’être sollicité, c’est des carrières et des parcours difficiles.

J’inciterai un jeune à être le plus créatif possible et initiateur de projets, que ce soit au théâtre ou en court-métrage. Maintenant, l’image est accessible à tout le monde par les nouvelles technologies. Tout le monde peut faire des courts métrages. Il ne faut pas hésiter à initier ses propres projets, à être dans le faire le plus concrètement et le plus rapidement possible.

Quels sont tes prochains projets professionnels ?

J’espère réussir dans l’année à venir à créer des nouveaux spectacles.

Les deux dernières années, j’ai exploité des spectacles qui existaient depuis quelques temps et je n’ai pas créé grand-chose de nouveau. J’espère que dans l’année qui vient, je réussirai à faire un nouveau spectacle jeune public et un ou des spectacles pour adulte, j’ai envie d’aller dans des univers variés.

Il y a quelques petits projets qui commencent à germer dans ma tête mais c’est tellement au point de départ que c’est un peu tôt pour pouvoir en parler.

Je pense que l’année à venir sera une année de création. Ce qui ne m’est pas arrivé depuis quelque temps.

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Un commentaire

  1. Interview bien menée, les bonnes questions, et des réponses intéressantes et enrichissantes.

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